Aux dires de Houssine Dimassi, ministre des finances
démissionnaire, la question d’indemnisation des ex-prisonniers politiques est principalement
à l’origine de sa démission : «Ces dépenses étrangleront les finances
publiques vu le grand nombre des bénéficiaires et le niveau des
indemnisations». Houssine Dimaasi critique une loi expéditive qui ne tient pas compte
des difficultés économiques et financières dans lesquelles se trouve le pays.
La Ligue tunisienne des droits et libertés (LTDL) estime que
la fourchette des personnes emprisonnés sous la dictature de Ben Ali est de l’ordre
30 à 45 mille personnes. C’est énorme !
Indemniser des
anciens ex-prisonniers politiques bénéficiaires de l’amnistie est une question
délicate doit être traitée non dans l’urgence mais dans la sérénité et la
concertation. Vouloir coûte que coûte faire passer une loi avec un contour flou
et des critères arbitraires sur le montant des indemnisations dans un moment
tendu où la situation économique et sociale est désastreuse est une pure
provocation de plus qui risque de faire imploser le pays et déclencher des
mouvements de contestation de grande ampleur. Il est inacceptable d’être juge
et partie au même temps ! Un gouvernement nahdaoui propose et un parlement
nahdaoui adopte. C’est un abus de pouvoir, en d’autres termes c’est la
dictature de la majorité relative. Le plus logique est que cette question soit
débattue au niveau de l’ANC et transmise au peuple pour trancher via un référendum. Passer outre la volonté du
peuple risque de coûter cher au pays. Le peuple est unanimement contre cette
approche en ce moment précis. La population attend une Constitution et non une
loi d’indemnisation, du pouvoir d’achat, des postes de travail et non un pillage
systématique des deniers publics.
Le montant global de ces indemnités peut se chiffrer à trois
milliards de dinars et non un milliard de dinars comme le prétend le présent
gouvernement provisoire. Aucune étude sérieuse n’a été réalisée sur cette
question. Il n’est pas étonnant que l’estimation grossière de l’administration
soit multipliée par pi (3,14) en définitive. Cette somme colossale, si elle est
disponible, doit être utilisée en priorité pour la création d’emploi par la
formation qualifiante, le désenclavement des zones d’ombre et la dotation des
« zones marginalisées » des commodités de vie comme l’eau, l’électricité ou le logement digne pour tous.
Cette opération d’indemnisation, non seulement va croître le
déficit budgétaire de l’Etat à des niveaux insupportables de l’ordre de 10 %
voire davantage, mais elle va induire des difficultés insurmontables pour les
deux caisses de retraite qui sont au bord de la faillite. Il n’est pas souhaitable
de créer une situation d’implosion du système de sécurité sociale qui
intervient à plus de 20% dans l’économie tunisienne.
L’ANC serait-elle sourde pour ne pas tenir compte des
avertissements et des avis des spécialistes qui tirent la sonnette d’alarme ?
: «Les équilibres budgétaires de l’Etat sont en danger ». Passer outre ces
avertissements constitue une faute grave qui pourrait coûter cher à la Tunisie
qui verra sa note souveraine dégringolée pour toucher le plancher.
Pourquoi voulez-vous que les familles tunisiennes paient
entre 500 et 1000 pour indemniser ces anciens prisonniers d’un régime
dictatorial ? On peut comprendre si le gouvernement rapatrie l’argent volé
par ZABA estimé à 20 milliards de dollars US et qu’il s’en sert pour créer un fonds
d’indemnisation des ex-prisonniers. Le plus triste et révoltant, le
gouvernement Jebali serait tenter d’épuiser les réserves des fonds spéciaux consacrés
aux événements exceptionnels et d’urgence telles les inondations, sécheresse,
catastrophe naturelle.
La gestion des affaires publiques par le régime provisoire
se caractérise par l’opacité, l’incompétence avec une forte dose d’arrogance et
de mépris des tunisiens de tunisiennes.
Dans les pays réellement démocratiques, le principe de transparence accède aujourd’hui
à un statut relevant de la sacralité. La
transparence s’associe à cinq éléments qui sont la légalité, la
moralité, la véracité et l’intelligibilité, le contrôle et la
responsabilité, l’honneur. Les gens qui nous gouvernent aujourd’hui sont à
à mille lieux de ces valeurs.
Il n’est pas étonnant si la société civile déclare et
organise la désobéissance civile pour faire respecter la dignité des tunisiens
et des tunisiennes.
Si le gouvernement fait passer cette loi d’indemnisation par
force, l'opposition "parlementaire" doit démissionner, sans tarder :
sa présence à l'ANC devient un soutien aux islamistes, pilleurs de deniers
publics et fossoyeurs de la République. Cette opposition ne peut rien faire
pour le peuple à l'intérieur de l'ANC. La
présence de cette opposition « tartourienne » est une caution
au président des présidents. La stratégie de ce dernier est claire : défaire la
République tout simplement et semer l’anarchie. Ce gourou, ne prône–t-il pas la
théorie du "désordre créateur" ? Le peuple est en train de se
révolter et tant pis pour ceux qui soutiennent
l’obscurantisme.
Beaucoup de commentateurs qualifient cette question
d’indemnisation de choquante et inapproprié. Nous, nous disons que c’est une goujaterie ! Le 23
octobre prochain, jour de la fin de la légitimité électorale, il ne serait pas
étonnant que le peuple à travers le prochain gouvernement de la dernière
transition procèdera à une enquête pour détournement de fonds publics qui
viserait l’exécutif et l’ANC.
Mustapha STAMBOULI