30 juillet 2012

Indemnisation des ex-prisonniers «politiques» : quelle goujaterie et quelle honte !


Aux dires de Houssine Dimassi, ministre des finances démissionnaire, la question d’indemnisation des ex-prisonniers politiques est principalement à l’origine de sa démission : «Ces dépenses étrangleront les finances publiques vu le grand nombre des bénéficiaires et le niveau des indemnisations». Houssine Dimaasi critique une loi expéditive qui ne tient pas compte des difficultés économiques et financières dans lesquelles se trouve le pays.
La Ligue tunisienne des droits et libertés (LTDL) estime que la fourchette des personnes emprisonnés sous la dictature de Ben Ali est de l’ordre 30 à 45 mille personnes. C’est énorme !

Indemniser  des anciens ex-prisonniers politiques bénéficiaires de l’amnistie est une question délicate doit être traitée non dans l’urgence mais dans la sérénité et la concertation. Vouloir coûte que coûte faire passer une loi avec un contour flou et des critères arbitraires sur le montant des indemnisations dans un moment tendu où la situation économique et sociale est désastreuse est une pure provocation de plus qui risque de faire imploser le pays et déclencher des mouvements de contestation de grande ampleur. Il est inacceptable d’être juge et partie au même temps ! Un gouvernement nahdaoui propose et un parlement nahdaoui adopte. C’est un abus de pouvoir, en d’autres termes c’est la dictature de la majorité relative. Le plus logique est que cette question soit débattue au niveau de l’ANC et transmise au peuple pour trancher via  un référendum. Passer outre la volonté du peuple risque de coûter cher au pays. Le peuple est unanimement contre cette approche en ce moment précis. La population attend une Constitution et non une loi d’indemnisation, du pouvoir d’achat, des postes de travail et non un pillage systématique des deniers publics.
Le montant global de ces indemnités peut se chiffrer à trois milliards de dinars et non un milliard de dinars comme le prétend le présent gouvernement provisoire. Aucune étude sérieuse n’a été réalisée sur cette question. Il n’est pas étonnant que l’estimation grossière de l’administration soit multipliée par pi (3,14) en définitive. Cette somme colossale, si elle est disponible, doit être utilisée en priorité pour la création d’emploi par la formation qualifiante, le désenclavement des zones d’ombre et la dotation des « zones marginalisées » des commodités de vie comme l’eau,  l’électricité ou le logement digne pour tous.

Cette opération d’indemnisation, non seulement va croître le déficit budgétaire de l’Etat à des niveaux insupportables de l’ordre de 10 % voire davantage, mais elle va induire des difficultés insurmontables pour les deux caisses de retraite qui sont au bord de la faillite. Il n’est pas souhaitable de créer une situation d’implosion du système de sécurité sociale qui intervient à plus de 20% dans l’économie tunisienne.
L’ANC serait-elle sourde pour ne pas tenir compte des avertissements et des avis des spécialistes qui tirent la sonnette d’alarme ? : «Les équilibres budgétaires de l’Etat sont en danger ». Passer outre ces avertissements constitue une faute grave qui pourrait coûter cher à la Tunisie qui verra sa note souveraine dégringolée pour toucher le plancher.
Pourquoi voulez-vous que les familles tunisiennes paient entre 500 et 1000 pour indemniser ces anciens prisonniers d’un régime dictatorial ? On peut comprendre si le gouvernement rapatrie l’argent volé par ZABA estimé à 20 milliards de dollars US et qu’il s’en sert pour créer un fonds d’indemnisation des ex-prisonniers. Le plus triste et révoltant, le gouvernement Jebali serait tenter d’épuiser les réserves des fonds spéciaux consacrés aux événements exceptionnels et d’urgence telles les inondations, sécheresse, catastrophe naturelle.
La gestion des affaires publiques par le régime provisoire se caractérise par l’opacité, l’incompétence avec une forte dose d’arrogance et de mépris des tunisiens de tunisiennes.
Dans les pays réellement démocratiques,  le principe de transparence accède aujourd’hui à un statut relevant de la sacralité.  La transparence s’associe à cinq éléments qui sont la légalité, la moralité, la véracité et l’intelligibilité, le contrôle et la responsabilité, l’honneur. Les gens qui nous gouvernent aujourd’hui sont à à mille lieux de ces valeurs.
Il n’est pas étonnant si la société civile déclare et organise la désobéissance civile pour faire respecter la dignité des tunisiens et des tunisiennes.

Si le gouvernement fait passer cette loi d’indemnisation par force, l'opposition "parlementaire" doit démissionner, sans tarder : sa présence à l'ANC devient un soutien aux islamistes, pilleurs de deniers publics et fossoyeurs de la République. Cette opposition ne peut rien faire pour le peuple à l'intérieur de l'ANC. La  présence de cette opposition « tartourienne » est une caution au président des présidents. La stratégie de ce dernier est claire : défaire la République tout simplement et semer l’anarchie. Ce gourou, ne prône–t-il pas la théorie du "désordre créateur" ? Le peuple est en train de se révolter et tant pis pour ceux qui soutiennent  l’obscurantisme.
Beaucoup de commentateurs qualifient cette question d’indemnisation de choquante et inapproprié. Nous, nous disons que c’est une  goujaterie ! Le 23 octobre prochain, jour de la fin de la légitimité électorale, il ne serait pas étonnant que le peuple à travers le prochain gouvernement de la dernière transition procèdera à une enquête pour détournement de fonds publics qui viserait l’exécutif et l’ANC.

Mustapha STAMBOULI