La classe politique dans son ensemble s’est montrée peu visionnaire
et peu clairvoyante dès le 14 janvier 2011 : comment pouvait-elle accepter
la mise à l’écart de la Constitution de 1959 en laissant le pays sans « loi
fondamentale» ? Comment la classe politique a-telle cautionné le principe de la Constituante qui
met entre parenthèse la République et ses acquis ? Comment la classe
politique a-t-elle avalé un code électoral irréfléchi, partisan, favorisant
forcément les islamistes ? L’arrivée au pouvoir des gens qui tentent aujourd’hui
par tous les moyens de transformer la Tunisie en Emirat islamique sans
souveraineté réelle inquiète, apparemment peu, cette classe politique qui
cherche à pratiquer l’apposition au lieu de s’opposer énergiquement à ce parti
religieux, peu républicain, cherchant à
se débarrasser ou à phagocyter nos institutions.
Nous avons appelé depuis l’année dernière et bien avant les
élections du 23 octobre 2011 au rassemblement des forces progressistes et républicaines
pour faire face à ces obscurantistes mais hélas notre appel n’a pas été entendu
à temps !
Nidaa tounès, fruit de la
détermination des militants bourguibistes et le courage d’un homme
patriote, vient de combler un espace politique et donner un nouveau espoir aux
tunisiens et tunisiennes qui croient, plus que jamais : (1) à la
séparation du politique et du religieux, seul moyen pour préserver l’unité nationale et notre religion
à tous, (2) au CSP, document-phare de libération de la femme et de la société
tunisienne. Nous assistons aujourd’hui à la remise en cause de l’égalité homme-femme. N’ont-ils pas dit que la
femme n’est que le complément de l’homme ? Nidaa Tounès, malgré l’ambigüité qui
caractérise sa création, a des fortes chances d’être le mouvement le plus
populaire et qui peut espérer diriger le pays dans la période à venir. Cette
éventualité est de l’ordre du possible, nécessite, néanmoins, de la clarté et
de la transparence pour éviter les faux pas et les malentendus, source de division
et de déchirement.
Nidaa Tounès connait un engouement jamais enregistré dans
l’histoire de création des partis politiques. Cette formation répond à un
besoin fort d’adhésion à des valeurs claires ancrées dans une trilogie de
principes : (1) sauvegarde et promotion des valeurs républicaines, (2)
démocratie comme option définitive pour gérer la vie politique du
pays (3) défense et élargissement des libertés individuelles et
collectives afin de garantir l’épanouissement des hommes et des femmes dans leur
vie privée et dans leur action citoyenne, une question de dignité humaine.
Le succès de notre mouvement prend
ses origines à son adhésion au bourguibisme, à la défense des intérêts
légitimes des masses laborieuses et aux deux piliers d’une vie politique ouverte
aux compétences à savoir la démocratie et les libertés. Trois courants qui
fusionnent dans un même mouvement pour créer une synergie et un grand
rassemblement exceptionnel capable de faire face à notre unique adversaire, le
parti islamiste actuellement au pouvoir et aux affaires.
Les préalables de la réussite de notre projet sont :(1) la
démocratie à l’intérieur du parti, (2) un agenda précis pour l’organisation des
élections afin de mettre en place des
structures territoriales et de direction, (3) l’établissement participatif du
règlement intérieur du parti : cette « petite constitution» du
mouvement est un document crucial pour gérer d’une manière transparente la vie de
notre communauté, (4) la mise en place dans chaque ville d’un comité de sages de trois ou quatre
personnes qui aura principalement pour
mission d’installer les structures provisoires locales sur une base claire et
objective adoptant une grille d’évaluation des candidatures et tenant compte
des tous les paramètres locaux. Ce comité des sages établit sa sélection et la
propose au directoire intérimaire du parti qui dispose. Cette approche
participative évite au parti les faux pas et la perte du temps préjudiciables
au bon fonctionnement des structures, (5) une date pour la tenue du
congrès du mouvement. Cette assemblée doit désigner les instances dirigeantes
(bureau politique, comité centrale et directoire) et arrêter la ligne politique
et les options socio-économiques du mouvement avant d’aller vers les prochaines
élections.
Prétexter l’urgence pour installer dans la précipitation, à la
hussarde des responsables locaux peu représentatifs et contestés par les
militants de base risque de démobiliser la masse et crée un précédent nocif,
capable d’installer une pratique antidémocratique. L’organisation verticale où
une seule personne décide de tout est une véritable machine d’exclusion. Une
«rcdisation» du parti ne serait pas acceptable ni souhaitable, même si elle
peut être payante sur le plan électoral. Le mouvement doit se soucier de la
transparence dans sa pratique quotidienne et éviter l’improvisation
démobilisatrice.
Un parti sans règlement intérieur, c’est la porte ouverte au clientélisme
voire à la dictature du sommet et de ses représentants locaux. Le constat est
que le directoire a opté pour une stratégie qui préfère installer une «machine»
électorale au lieu d’une structure pérenne d’un parti politique. Un débat doit
être ouvert sur cette question cruciale afin d’éviter un dérapage évident
et une erreur monumentale difficile à corriger par la suite. La conception d’un
règlement intérieur est une exigence du moment. Vouloir passer outre, c’est
choisir l’arbitraire, ce que nous refusons catégoriquement.
La stratégie de la pensée unique, de la solution unique et du chef unique n’est pas notre option ou notre
désir. Nous revendiquons la démocratie interne qui exige le pluralisme des
opinions, des contre-pouvoirs à l'intérieur du parti pour éviter les
abus. Nous refusons le calcul partisan d’où il vient ! Y a-t-il un dessein
secret que cache ce mode opératoire appliqué par le directoire ? Erreur
d’appréciation des uns et des autres pour pointer les présidentielles qui,
peut-être, n’auront jamais lieu ?
Nidaa tounès doit rassembler toutes les compétences ( «think tank»)
susceptibles d’adhérer au mouvement dans un Centre d’Études, d’analyse et de
prospective afin d’apporter de la réflexion et des solutions pour les problèmes
cruciaux de la Tunisie : (1) éducation publique menacée par la «zaitounisation »
de l’enseignement, (2) décentralisation territoriale pour mieux asseoir
l’implication des citoyens dans la gestion du territoire, (3) pérennité des
caisses de sécurité sociale, menacées de faillite par plusieurs décennies de
mauvaise gestion, (4) optimisation de la fonction publique pour lui éviter la
marginalisation, (5) gestion optimale des ressources hydriques pour nous
éloigner le spectre d’un stress hydrique certain et généralisé causant atteinte
à la qualité de vie des citoyens et menaçant la santé publique (6) caisse
générale de compensation, gouffre
financier qui cause des pertes sèches
pour le budget de l’Etat de plus de 6 milliards de dinars par an, (7)
l’ouverture de l’économie tunisienne à
l’investissement direct étranger (IDE) non exportateur pose de sérieux
problèmes à la balance des paiements de la Tunisie. Ces IDE fabriquent
l’appauvrissement du pays. Faut-il poursuivre cette stratégie ? (8) la
reforme du système fiscal devient une urgence pour éviter le déficit chronique
du budget de l’Etat. L’interdiction du déficit public, seul moyen pour nous
éviter gaspillage et projets "bidons" et nous permettre
d’avoir un meilleur recouvrement fiscal en criminalisant la fuite fiscale.
Pour résumer, la base de Nidaa tounès attend des décisions justes
et rapides pour mieux affronter nos adversaires et construire du « solide »
et non de l’éphémère. Pour cela, il faut une définition des règles du jeu sous
forme d’un règlement intérieur, de la
démocratie interne pour désigner les responsables des structures, un agenda des
grands rendez-vous du mouvement (congrès) et la mobilisation du
«think tank» pour concevoir la future politique de l’exécutif prochain.
Pour conclure, je cite Boudjemâa
HAICHOUR, membre du comité central du FLN algérien : « Le moment est
venu pour réinventer un autre discours capable de séduire les jeunes dans cette
ère numérique, car l’éveil politique de la jeunesse se manifeste dans un esprit
différent de celui de leurs aînés. Ce sont là les compétences d’avenir au cours
duquel le mouvement sera appelé à remettre le flambeau à la nouvelle
génération ».
Mustapha STAMBOULI