21 mai 2013

Lettre ouverte à Moncef Marzouki : agir ou partir …

La Tunisie, objet d’un complot extérieur  de déstabilisation, est menacée doublement :
(i)   sécurité intérieure terriblement secouée par les attaques salafistes jihadites à Jbel Chaambi, à Cité Thadamen, à kairouan  et ailleurs,
(ii)      économie au bord de l’implosion – la bourse de Tunis  plonge dangereusement et le dinar a perdu plus de 5 % de sa valeur en l’espace de quelques jours. Où allons-nous,  Monsieur le président provisoire ? Que faites-vous pour arrêter cette hémorragie ?

Le dialogue national informel et organisé sous votre égide par des assoiffés de pouvoir n’est que perte de temps,  bavardage inutile compliquant l’équation politique tunisienne et divisant les Forces Vives de la Nation. C’est une initiative contre-productive et dangereuse car elle dévalorise le processus de conférence nationale qui a ses règles et ses exigences de résultat.

Tout laisse croire que vous avez atteint votre seuil d’incompétence, sinon comment peut-on  expliquer votre silence énigmatique  sur les épreuves que traverse  notre pays ?  Personne ne vous oblige à faire de la  figuration ou à jouer au président. Les tunisiens et tunisiennes ont toujours en mémoire les positions courageuses du Président Habib Bourguiba. Il a toujours su trouver « la solution ».  Sa courte intervention après le déclenchement de la révolte du pain en 1984 en témoigne.  Il est vrai que vous n’avez ni ses prérogatives  ou son charisme en dépit du fait que vous occupiez Carthage …

 Votre futur remplaçant a fait acte de candidature et les sondages le placent en tête avec  plus de 54% des intentions de vote! Preuve que le peuple tunisien désire un changement…

Pourquoi alors,  continuez-vous à souffrir et faire souffrir onze millions de tunisiens et tunisiennes. La Tunisie sans la mise en place rapide d’une nouvelle feuille de route sombrera dans la violence et la misère et vous en serez le premier responsable car vous avez les moyens, même en l’absence de  prérogatives constitutionnelles, de trouver une solution à cette crise artificielle manigancée par l’étranger et exécutée par de lâches acteurs nationaux.

Il vous suffit de signer un décret – même illégal aux yeux des incompétents de l’Assemblée Constituante et de leurs conseillers constitutionalistes- mais légitime aux yeux du peuple tunisien et de la communauté internationale appelant les Forces Vives de la Nation (FVN) à une vraie conférence nationale souveraine pour que la confiance s’installe de nouveau. Un délai de 3 mois au maximum pourra être accordé aux représentants des FVN pour qu’ils puissent trouver une solution consensuelle et optimale afin de redémarrer la Tunisie souffrante et chaotique.

Cette Conférence Nationale Souveraine devrait être précédée d’une préparation minutieuse organisée par un comité restreint  dont les membres seraient choisis pour leur républicanisme, leur intégrité morale et leur compétence. Ce Comité devrait remettre son rapport au plus tard 30 jours après sa création.

Ce panel devrait répondre d’une manière précise aux six questions fondamentales suivantes : (1) Qui convoquer à la Conférence Nationale ? (2) Que discuter lors de la tenue de la Conférence Nationale ? (3) Comment organiser cette Conférence ? (4) Quel contenu  donner au règlement intérieur de la CNS ? (5) Quelle loi fondamentale faut-il adopter pour gérer la nouvelle transition ? (6) Quels documents fournir aux délégués de la Conférence afin de faciliter le travail des Commissions de la CN ?

Les discussions et les décisions de la CNS devront aider l’installation de la nouvelle transition et garantir la continuité de l’Etat : 
(1) désignation d’un organe législatif de transition ; 

(2) désignation d’une instance composée spécialement de personnalités indépendantes en vue d’achever le projet de Constitution qui ne peut être que l’amélioration de la Constitution de 59 par des dispositions pertinentes et  soumettre ce projet de Constitution à un référendum populaire ; 

(3) établissement d’un agenda et d’un calendrier précis concernant  la nouvelle transition tout en responsabilisant le nouveau Chef de l’Etat intérimaire dans cette tâche ; 

(4) établissement d’un Code électoral tenant compte de la configuration actuelle du paysage politique et mise en place de l’Administration électorale, organe indépendant de l’exécutif intérimaire.

A défaut de Consensus, vous, en tant que Chef d’Etat et Chef des Armées, vous avez la responsabilité morale de décréter la fin de la transition faute de résultat. Ainsi, vous aurez toute la latitude pour réactiver la Constitution de 1959, installer un nouvel exécutif, désigner un Conseil des sages indépendants pour contrôler le gouvernement et le Chef de l’Etat intérimaire.

Par cet acte républicain, la Tunisie évitera des épisodes dramatiques et pourra rattraper le temps perdu et abréger la souffrance inutile infligée aux citoyens et citoyennes.

L’heure est grave et nous devons tous dépasser nos intérêts partisans. Chercher à prolonger la transition  constitue une erreur stratégique qui ouvrant la porte grand-ouverte à une prolongation à l’infini, c-à-d, l’installation de la « dictature des prolongations » ! Alors, agissons ensemble  pour prendre les bonnes et justes décisions.

Si vous n’êtes pas en mesure d’activer  l’un des scénarii de  cette stratégie de sortie de crise, je vous conseille de démissionner le plus vite possible et de laisser le peuple agir. 

Mustapha STAMBOULI, Monastir